samedi 16 novembre 2013

Cecilia Bartoli en concert à Prague

Voilà longtemps que je voulais l'entendre en concert et découvrir son vrai talent. Nous le savons tous, il est possible de bidouiller les enregistrements CD, de mélanger plusieurs prises, de corriger une note pas trop juste, de rajouter de la profondeur à une phrase, etc. pour aboutir à un résultat quasi parfait. Le concert, lui, ne pardonne rien.


La soirée commence mal puisque ma réservation s'est perdue dans le système informatique et qu'aucun ticket ne m'attend ! Je tempête, j'insiste, j'argumente, je ré-insiste face à l'employée du box office qui ne veut rien faire car le concert est "sold out". Devant mon insistance et la file qui se forme derrière moi, elle appelle sa chef. Re-belote auprès de la chef. Je finis par obtenir, in extremis et après une très longue attente dans un coin de couloir sombre (testaient-ils ma ténacité?), une place bien meilleure que celle de ma supposée réservation. Pilpoil au milieu du parterre. Je ne pouvais espérer mieux. Qui a du sacrifier sa place ?


Cecilia Bartoli est accompagnée par le Kammerorchester Basel sous la direction de Muhai Tang. Le thème de ce concert: "Mozart et les classiques viennois", à savoir des compositeurs qui se connaissaient bien, qui se retrouvaient régulièrement à Vienne, où ils jouaient ensemble. Outre Momo et Haydn, il y avait aussi deux Tchèques : Jan Křtitel Vaňhal (Jean-Baptiste Vanhal) et Joseph Mysliveček, dont nous avons déjà parlé. A Vienne, Vaňhal jouait dans un quatuor à cordes prestigieux : Mozart, premier violon, Karl Ditters von Dittersdorf, second violon, Haydn, alto et Vaňhal, cello. Excusez du peu. Quel quatuor, n'est-ce pas ? Une belle destination pour une machine à remonter le temps...


Le concert s'ouvre avec le motet pour soprano, orchestre et orgue "Exsultate, Jubilate" de Mozart.  Pas d'orgue mais une prestation tellement époustouflante que le public applaudit au milieu de la pièce. Tellement longtemps que le chef entame le célèbre Alléluia au milieu des applaudissements qui ne discontinuaient pas.  Ce morceau est hyper connu et toutes les cantatrice s'y sont frottées avec plus ou moins de bonheur. Mais Bartoli enlève le morceau avec brio, avec une infinité de nuances à la mesure de celle de l'orchestre. Jamais je n'ai entendu de telles nuances dans les pianissimos. C'était soufflant.


Le programme alterne les pièces purement instrumentales et les pièces où intervient Bartoli. Elle est habillée d'un pantalon noir, d'une chemise à jabots et d'une longue veste style redingote. Il faut dire que durant la première partie du concert, elle chantera des airs normalement destinés aux héros, tirés de la Clémence de Titus ou d'Orphée et Eurydice (entre autres).

Pour la deuxième partie du concert, elle change pour une tenue plus féminine, corsage ajusté genre guêpière et large jupe en corolle. Les arias qu’elle interprétera seront ceux d'héroïnes de Mozart, Vanhal et Haydn. Elle termine par un aria/une cantate de concert pour soprano et orchestre de Haydn "Berenice, che fai ?". Berenice, abandonnée par son amant Demetrio (fils d'Antigone), exprime avec violence son désespoir et sa frustration. La pièce est vocalement d'une difficulté rare, exigeant une infinité de nuances et de sentiments, promenant la voix dans toute sa tessiture. Bref, la pièce casse-gueule par excellence. Bartoli est absolument magique, divine, les mots me manquent pour décrire ce moment de pur bonheur musical : beauté du timbre, peu de vibrato (comme je l'aime), puissance expressive, profondeur et équilibre, nuances infinies, accents dramatiques là où nécessaire, justesse de ton, émotion.


Le public ne s'y trompe pas. Standing ovation. Premier rappel et un bis : l'air de Chérubin des Noces "Voi che sapete...". Toujours cette infinité de nuances, ce jeu vocal expressif à souhait. Salle en délire. Deuxième rappel avec une reprise de l'Alléluia du début. Bartoli est abondamment fleurie par le public et je quitte la salle sur un petit nuage. Prochaine étape ? Aller l'écouter dans un opéra.

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